Djellal Kamal

Après une longue absence de presque dix ans, le chanteur Djellal Kamal revient sur la scène artistique avec un nouvel album sorti dernièrement sur le marché.
Cette nouvelle production, qui s’inscrit dans le genre chaabi kabyle fera sûrement plaisir à ses milliers de fans qui l’ont tant attendu mais aussi incité à revenir en enregistrant de belles chansons dont il leur faisait toujours la confidence lors des fêtes et galas. Le chanteur a gagné l’estime de son public car il véhicule, par la poésie, à la fois la sagesse, la moralité et la pudeur dans ses belles chansons d’amour. IL est doté d’un style personnel incontestable, d’une maîtrise d’instrument et d’un timbre vocal très distinct sans compter l’intemporalité de ses ?uvres puisées d’un terroir du ce qui les rend perpétuellement très demandées même si, pas trop diffusées sur les ondes de radio ou télévision, elles demeurent inaccessibles au grand public.
Depuis 1991, l’année du début de sa carrière artistique, Djellal Kamal a toujours voulu suivre le chemin des vieux cheikhs que ce soit dans le Chaabi ou dans la variété kabyle en l’occurrence El Hasnaoui, Zarouki Allaoua, El Hadj El Anka et encore Cherif Kheddam et Akli Yahiaten dont il puise beaucoup de leurs sagesse et force du verbe ainsi que «lmaana bwawal? l’une des plus grande vertu da la chanson populaire algérienne en accordant autant d’importance au verbe (leklam) qu’à la musique.
Kamal Djellal est issu du village d’Ait Hague appartenant à l’aârche Nath Irathen : Ce village, qui a enfanté le talentueux Doucène Mohand Rachid dont les chansons retentissent toujours sur les ondes de la chaîne II ainsi que Ahcène Djerba,l alias Ahcène l’oiseau, qui a marqué le village et la région avec ses beaux airs de fête au début des années 1970 jusqu’à 1990 offrant les plus beaux jours de spectacle artistique acoustique sonorisé durant les fêtes familiales. Sans oublier Doufène Rachid, le propulseur du groupe Tissas dans les années 1980. Justement c’est avec Ahcène l’oiseau que Kamal fait ses premiers pas dans la musique : Après la mort dramatique de son frère aîné, Mohand, qui faisait partie de l’orchestre de ce dernier, prend la relève en hommage à son aîné.
Ce drame qui s’en est suivi d’autres : la perte de sa mère et son père en un laps de temps très court a beaucoup marqué la vie du jeune orphelin déchiré qui trouve refuge aussitôt dans la musique et plus tard dans la chanson.
Ce n’est donc pas un hasard si Kamal Djellal chante beaucoup plus la mélancolie que la joie de vivre même s’il excelle dans les fêtes familiales qu’il anime dans tous les villages de la région. Quand il chante, on a l’impression qu’il souffre et les mots s’arrachent brutalement de son c?ur triste de nature mais l’artiste sait bien les faire couler soigneusement sur ses belles mélodies composées dans un style authentiquement kabyle et populaire ; Faisant d’un mélange sublime entre le chaabi pur et le m’dih kabyle (adekkar) un moyen pertinent d’exprimer ses complaintes les plus profondes.
Sa première cassette sortie en 1991 et intitulée w illane damaghvoune meskine composée sur le tabaa sihli qu’il aime beaucoup a eu un grand succès, c’est une chanson d’amour qui parle d’une rupture entre deux amoureux :
Willane amaghvoune meskine Khas r’vah ardatyayess
Khas yevgha l’mouth assagwine z’har welmaktoub ines
Uliw yeghza ammelvire femlaayoun nettir tinnaken izedghen laali
Lamer aymennagh adissir yali qwlagh ditvir adteddough yides amtili
Imakka saad ouryekkir ah yebbwit lghir annagh yassidi rebbi
«Une chanson basée sur de belles paroles propres et bien structurée musicalement ne meure jamais», nous dit l’artiste qui rajoute : «Je ne chante que la souffrance de la vie car c’est la seule choses que je connais le mieux. Le grand peintre Issiakhem disait : quand je peint je souffre. Et bien moi c’est la même chose je chante».
Des titres aussi émouvants figurent dans ce premier album Ruh agma hommage à son frère aimé où il dit :
Ruh agma fellak aafigh
Adfellak yaafou oukhellaq
Assagi akiesmektigh
Affwasmakken inemfaraq
Trouhedh nek oureddigh
Silwahche abri-ik yaaraq
Tsroughe mikidemmektigh
Oul yegrah tassa tfellaq

Il ne vit pas de son art
Kamal Djellal ne vit pas de son art, il aurait d’ailleurs bien voulu, mais hélas, il en a eu beaucoup de déceptions dans le domaine musical qui reste toujours ambiguë et mal géré en Algérie. Il reste sceptique envers ce milieu rempli d’ingratitude et de magouilles mais sans s’arrêter de composer ni de chanter, au contraire, il en est de plus en plus inspiré. Même s’il en mauvaises a reçu des coups, surtout avec son deuxième album sorti en 1998 distribué dans de conditions il n’a pas voulu «manger de ce pain» et de faire une carrière virtuelle basée sur des pots-de-vin et des compromis arrangés de part et d’autre. Il a préféré rester un libre poète qu’on ne peut pas acheter et encore moins dompter. Il décide carrément d’arrêter de produire, il se consacre cependant aux fêtes familiales et galas où il est beaucoup sollicité. Par ailleurs, il occupe un bon poste d’intendant dans une grande société au sud algérien, ce qui lui procure de vivre à l’aise mais aussi d’avancer sans gêne dans la musique. Cet éloignement de la famille et de son milieu artistique et naturel le déchire mais l’inspire beaucoup et dans le nouvel album, il parle d’un autre exil : celui du sahara… winnan lgharva touaare, irouh ijarreb ssahra.» ou bien «dissahra ttabaagh aghroum tefraq tassa douin techtaq».

Il en est aujourd’hui à son troisième album
Avec ce nouvel album, Djellal Kamal, âgé de quarante deux ans, compte faire un retour tonitruant sur la scène artistique qui lui manque terriblement mais avec son style personnel qu’il revendique toujours auquel il apporte beaucoup de renouveau que ce soit sur le plan musical qu’il travaille avec Rachid Dabachi et les arrangements de Saïd Mezrag ou thématique avec des sons et des sujets qui touchent l’actualité, tout en gardant le style chaabi «aussi riche et actuel que l’on croit». Cette nouvelle ?uvre a été réalisée dans des conditions difficiles entre deux séjours à Tizi-Ouzou , mais c’est un défi que le chanteur a lancé à lui même car pour eux il n’y a que le travail qui fait avancer les choses. Intitulé lefraq yattadjad lehzen. Se basant sur un récit autobiographique et traitant de divers sujets de la vie : L’amour, la mort et la question identitaire, le chanteur voudrai toujours varier les thèmes mais qu’il développe avec son propre regard celui d’un franc-tireur qui se refuse l’idée de parler pour les autres ; Il ne parle que pour lui-même et sans oublier d’impliquer les autres…. L’hommage rendu à Matoub Lounès- ce n’est d’ailleurs jamais trop tard d’autant plus que certains commencent à oublier- n’est qu’un rappel du vide culturel et politique que nous a laissé le Rebelle et le devoir de continuer le combat pour tamazight, seul moyen de pérenniser l’engagement de Matoub: «lefraq yetsadjad lehzen, attan’is vezzaf yewaar / ksed win ourtijarven / yettadja laabde ameattar / ?amlehwa idyetiri lehzen / idyezwi achdhadh-is iwin ighaven / amyetri ttlam iharred amkanis / wissen aek istedhra ournezri arebbi ilik dilaawen-is / wtend fellas ouryebni widen ayhoudden l’sas-is». Kamal ne peut pas ne pas dénoncer cette nouvelle tendance qui circule d’une manière généralisée et qui ne respecte pas l’ordre de mérite ni celui de la morale et de la déontologie musicale à savoir la banalisation de la chanson kabyle: La chanson-business lfen youghal detjara est le titre d’une chanson très corrosive envers les pseudos marchands de la musique qui font marcher la cacophonie au détriment de l’art. Le chanteur remet de l’ordre dans une chanson sublime, audacieuse mais combien pleine d’enseignements : «l’fen youghal etjara / alayetsnouzou amtapi, menwala yetvaa chena / vav-is layteddou hafi / chvigh ttir l’mesdjoun / tabbourt-iw tezga leghlaq / adketren felli lehmoum / l’moukh yevgha adyettardhaq?».
Avec un regard très critique sur la société dans la chanson wibghan taghawsa urtsiqdhi» il critique le matérialisme en général et cette course envers la gloire à tout prix au détriment de la sagesse engendrant la haine chez l’homme et l’assujettissement à la force du mal qui est en lui. Il critique la débauche humaine de cette nouvelle époque avec un regard limite médiéval mais qui est loin d’être archaïque.
Le poète sait aussi chanter l’amour, aussi passionnel soit-il mais avec des mots pleins de pudeur et de sensation frôlant la morale sans oser la transgresser juste pour être à la hauteur du sentiment vrai : Kamal Djellal maîtrise bien l’art de dire la femme à quel point on l’aime sans prononcer la phrase je t’aime courante et aussi utilisée. N’est ce pas ça la poésie ?! Dans la chanson sublime Slam-iw il dit :
?Tayri nnagh wellah artessar
Tesaa leqdar
Khas akken taadda lilas
Matheznedh nekkini aktar
Oul yentar
Amek ayeqdhaa layas
Yahzen wemkan gikmesnagh
Maratmouqlagh
Yesmektayid leghiav-im
Machi ttiselvi aye selvagh
Deggoul hemqagh
Izedghyi yism-im?
Dans ce nouvel album, aussi riche et varié, de Djellal Kkamal, on peut retrouver aussi d’autres titres comme Gmak, Ayouzyin et A ya boujad ournessin. On retrouve tous ces goûts dans un art populaire ancestral purement authentique qui ne manque pas d’actualité et de renouveau: l’art de raconter les maux par les mots et la vertu de capter leur résonance. Bref ! c’est une belle ?uvre à découvrir en urgence !

Djillali Djerdi

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