Exposition Art Contemporain « ARABOFUTURS » Science-fiction et nouveaux imaginaires jusqu’au 27 octobre 2024.
Vidéastes, plasticiens, photographes, performeurs… : les artistes du monde arabe et de la diaspora s’emparent de l’anticipation et de la science-fiction pour questionner et transgresser sans détours les sociétés d’aujourd’hui et rêver les mondes de demain. Pour introduire le visiteur à ce merveilleux et dynamique laboratoire d’hypothèses, l’exposition d’art contemporain ARABOFUTURS réunit des œuvres de 18 de ces artistes et autant d’expériences, de témoignages et de regards sur le monde.
Le jeu de la réalité et de la fiction
L’exposition débute par une introduction au concept pionnier du Gulf futurism (« futurisme du Golfe ») formulé par Sophia Al-Maria et Fatima Qadiri en 2012 : un questionnement inquiet de l’hypermodernisation accélérée à l’œuvre dans la région et de son corrolaire l’hyperconsumérisme, à l’image du gigantesque mall labyrinthique revisité par Sophia Al-Maria.
Autre jeu narratif explorant des mondes parallèles ou amplifiés, ceux de Meriem Bennani et Sara Sadik, créatrices d’installations et environnements immersifs associant avec humour références à la pop culture mondialisée et représentations de la culture et de l’histoire marocaines ou de la culture maghrébine en France. Les voitures volantes de la série photographique rétrofuturiste de Skyseeef participent de ce même quotidien augmenté.
Certains artistes s’inscrivent, pour la subvertir et la détourner, dans l’esthétique SF technoscientifique apparue dans les fanzines dès les années 30. Ainsi d’Ayham Jabr, qui s’est fait connaître avec une série réalisée en 2016 dans Damas assiégée, et de Mounir Ayache avec son installation composée de sculptures 3D, de tirages numériques et d’un jeu vidéo qui immerge les visiteurs dans le voyage imaginaire de Hassan al-Wazzan (Léon l’Africain). Quant à Gaby Sahhar, c’est à une réflexion sur la déshumanisation du monde moderne qu’il nous invite avec sa peinture grand format d’une société standardisée, vouée à l’acier.
Futurs hybrides
La section des « Futurs hybrides » ouvre les portes de la spéculation et des nouveaux possibles. Hybridations, écriture des mythes, nouvelles humanités, mondes fantastiques et post-humains… : ces futurs sont ceux des revendications radicales de changement, de refus des paradigmes actuels et des modèles patriarcaux, capitalistes, expansionnistes qui ont organisé les sociétés humaines.
Sorcières, femmes à antennes et autres visages volants de Neïla Czermak Ichti exposent l’altérité étrange, la monstruosité désirable et son existence en chacun de nous. Tarek Lakhrissi fait acte de « réparation poétique » avec ses démons rendus à la sérénité. Le transhumanisme, ici possible négociation entre l’humain et l’étrange, le merveilleux, le fantastique, se fait dans l’œuvre vidéo d’Ayman Zedani nouvelle philosophie de la matière animée, mariant organismes vivants et non vivants.
Larissa Sansour et Søren Lind, Aïcha Snoussi ou Hicham Berrada proposent une réflexion poétique à l’intersection de la science-fiction, de l’archéologie et de la politique. En mettant en œuvre un mythe – politique pour Sansour et Lind, queer pour Snoussi, technologique pour Berrada –, leur travail se fait intervention historique, entre invention du passé et critique du présent.
C’est sur le motif essentiel de l’écologie que se referme l’exposition. Mondes organiques de Berrada, qui applique la symétrie bilatérale propre à l’animal à des formes minérales, se jouant des limites terrestres entre matière organique et inorganique. Mondes à venir de Zahrah Al Ghamdi, dont les assemblages de centaines de pièces de cuir grignotent sols et murs, tel un nouvel organisme vivant dont la prolifération témoignerait d’une adaptation réussie. Une vision de la résilience d’une terre post-humaine ?
Source IMA